Marie Perrinet est pharmacienne à l’hôpital Robert Debré.
Hugo Franch, Serguei Leroux, Ennio Lombardo et Louis Sabot, élèves 2nd BAC professionnel RPIP l’ont rencontrée le 12 novembre 2020 en visio.
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Je m’appelle Marie Perrinet, je suis pharmacienne hospitalière, responsable des dispositifs médicaux à l'hôpital Robert Debré.
«Tous les hôpitaux de toute la France et du monde entier étaient touchés
par la même chose et tout le monde voulait les mêmes produits. »
Comment se passe une journée classique hors Covid ?
Je ne suis pas la seule pharmacienne à l’Hôpital Robert Debré. Je m’occupe d’un secteur en particulier, celui des dispositifs médicaux. Pour simplifier, c’est tout ce qui permet d’administrer des médicaments; par exemple m’occuper des seringues, des masques, des compresses, des aiguilles, des implants alors que ma collègue que vous verrez tout à l’heure s’occupe plus des médicaments.
Donc on est toutes les deux pharmaciennes mais on a pas le même travail dans l’équipe.
Dans une journée type je ne travaille pas toute seule, je suis avec des préparateurs en pharmacie et puis des magasiniers, et donc mon travail ça va être de réceptionner les commandes et les besoins des services hospitaliers et derrière d’acheter le matériel et de fournir le stock à l’hôpital pour que les infirmières, les médecins, les aides-soignantes, que tout le monde ait le matériel.
Mon travail, c’est l’approvisionnement. Et je m’occupe aussi de régler les problèmes sur ces dispositifs médicaux, avec les laboratoires, pour acheter d’autres dispositifs qui marchent mieux que ceux qu’on a par exemple.
Quelles sont les choses qui ont changé avec l’arrivée du Covid ?
Avec l’arrivée du Covid, j’ai eu beaucoup de commandes supplémentaires, beaucoup de besoins qui n’étaient pas couverts. En fait, il a fallu être très rapide parce qu’on avait du stock pour certains types de pathologies mais le Covid a pris la place sur tout le reste.
L’Hôpital Robert Debré est un hôpital pédiatrique qui n’accueille normalement que des enfants, qui ne sont pas trop touchés par le Covid, mais pour être solidaire avec les autres hôpitaux de Paris les réanimateurs ont décidé d’accueillir aussi des adultes. Il a donc fallu commander du matériel que nous n’avons pas d’habitude puisque adapté aux enfants. On a dû faire tout le référencement, gérer tous les stocks et on avait beaucoup de demandes tous les jours.
Tout s’est passé très rapidement et surtout ce qui a été différent de d’habitude c’est qu’on a dû gérer beaucoup de ruptures de stock parce que ce n’est pas comme quand il y a un accident de la route quelque part et qu’il n’y a qu’un hôpital qui s’en occupe, là c’est tous les hôpitaux de toute la France et du monde entier qui étaient touchés par la même chose et tout le monde voulait les mêmes produits. Tout le monde voulait des gants, tout le monde voulait des masques, donc il a fallu qu’on se batte pour qu’on ait chacun nos produits.
Voilà ce qui a été différent avec le Covid.
«C’était stressant mais il y a eu aussi une très grosse solidarité entre les équipes donc ça c’était plutôt motivant
et ça a été un moment où on a eu beaucoup d’énergie, on avait un seul but. »
Comment avez-vous vécu le Covid sur le plan personnel ?
J’ai trouvé que c’était un moment assez intense en fait, un moment professionnel assez intense, assez stressant au quotidien parce qu’on avait à cœur de fournir le matériel aux services, qu’il n y ait pas de rupture de stock, donc on devait être très réactifs au cours de la journée pour savoir où étaient les produits, essayer de changer de laboratoire si il y avait des ruptures de stock.
C’était stressant mais il y a eu aussi une très grosse solidarité entre les équipes donc ça c’était plutôt motivant et ça a été un moment où on a eu beaucoup d’énergie, on avait un seul but. Finalement ça a été très dur mais je n’en garde pas un si mauvais souvenir que ça, je me suis dit qu’on était une équipe qui fonctionnait bien, avec beaucoup de solidarité entre les services et nous, c’était vraiment particulier comme moment.
Quel impact cela a-t-il eu sur votre vie familiale et sociale ?
(rire) Comme tout le monde même c’était un peu différent parce que moi je travaille donc j’avais le droit de sortir et travailler tous les jours pendant que les autres étaient confinés, donc ça me permettait de faire de l’exercice puisque je n’habite pas très loin de l’hôpital, je venais à pied ou en vélo. Après, j’ai vécu le confinement le week-end mais peut-être que personnellement c’était moins compliqué parce que j’étais crevée de ma semaine donc j’étais contente de me reposer le week-end. Je trouve que ce deuxième confinement est plus dur que le premier.
Vous avez eu peur d’attraper le Covid pendant votre service ?
Non pas vraiment, je n’ai pas eu peur. Des gens autour de moi l’avaient mais on s’est masqués très rapidement à Robert Debré. On a tout de suite fait les gestes barrière, moi ça fait neuf mois que je prends mon repas le midi toute seule dans mon bureau devant mon ordinateur donc c’est moins rigolo que d’habitude mais on a quand même mis des choses en place dès le départ.
À la pharmacie on ne voit pas les patients directement, on voyait les soignants qui étaient dans les services au contact des malades Covid mais nous on ne les voyait pas donc je n’ai pas vraiment eu peur d’être malade finalement.
Comment gériez-vous le stress ?
On a des métiers qui nous apprennent normalement à gérer le stress, on a l’habitude des urgences. Là c’était juste une urgence qui durait très longtemps.
Je ne sais pas, je crois que je faisais les choses l’une après l’autre, je n’étais pas tout seule il il y avait une équipe, il y a aussi une cellule de crise dans l’hôpital donc ça veut dire qu’il y a plusieurs professionnels qui se réunissaient tous les matins pour décider de ce qu’on allait faire donc on avait pas la sensation d’être tout seul dans son coin, on travaillait tous ensemble.
Finalement le stress des fois c’est un bon stress, c’était épuisant mais on avait une solidarité qui nous aidait et puis en fait on nous a envoyé beaucoup de chocolats pendant cette crise (rire) donc quand je stressais je mangeais des chocolats et ça allait mieux après (rire).
«On nous a envoyé beaucoup de chocolats pendant cette crise (rire)
donc quand je stressais je mangeais des chocolats et ça allait mieux après.»
Avez-vous ressenti un soutien de la part de la population ?
Oui, en fait les premières fois que je suis rentrée du travail il n’y avait souvent que moi dans la rue, j’arrivais parfois à 20h et les voisins applaudissaient aux fenêtres et ils ne savaient pas forcément que moi je travaillais à l’hôpital mais effectivement je trouvais ça assez émouvant et c’était sympa de savoir que les gens faisaient l‘effort de rester chez eux et nous ça nous aidait de savoir qu’ils ne prenaient pas de risques parce que c’était déjà compliqué, c’était bien de savoir qu’ils tenaient compte du confinement.
Et puis oui on s’est sentis soutenus, c’était bien, une belle solidarité, mes voisins avaient mis un petit mot dans mon immeuble pour dire merci aux gens qui sortaient les poubelles, ceux qui allaient travailler.. J’ai trouvé qu’il y avait une bonne ambiance.
Quel impact a eu le Covid sur vos revenus ?
(rire) Mes revenus ? Et bien j’ai fait des économies je crois comme tout le monde vu que je n’allais plus au restaurant, mais après la crise il y a eu le fameux ségur et on a eu une petite augmentation financière.
Où vous voyez-vous dans le futur ?
Ici ! Ça ne se voit pas en fait mais il y a la deuxième vague, c’est un peu moins stressant pour le moment parce qu’on a pas encore eu de patients adulte donc nous pour l’instant c’est un tout petit peu plus calme, mais là dans le futur je me vois à Paris, à mon poste, et j’espère qu’on aura pas des confinements tous les trois mois parce qu’on vit quand même moins bien le deuxième confinement que le premier, on a moins d’énergie.
Si vous aviez un message à passer à la population, quel serait-il ?
Ce serait de tenir le coup et de continuer à porter son masque correctement parce que là on se rend compte qu’une personne sur cinq est positive au Covid quand on teste. Les gens étaient plus sensibilisés et on a tous fait de gros efforts au premier confinement et là c’est plus dur de tenir sur la durée mais il faut essayer de s’accrocher parce que là on en parle peut-être un peu moins, les gens ont l’impression de s’habituer mais les réanimations commencent à se remplir et là on attend une vague de patients. Tout le monde en a marre d’être confinés et nous aussi, il faut tenir le coup. Il faut surtout rester masqué.
Propos recueillis par :
Hugo Franch
Serguei Leroux
Ennio Lombardo
Louis Sabot