Rodrigue Nomertin : "ça été très dur"

Rodrigue Nomertin travaille en tant que responsable du service lingerie à l’hôpital Robert Debré dans le 20ème arrondissement de Paris.

Jeanne Boisseau, Perle Delaporte, Dylan Peltro et Edith Prevost De Saint Cyr l’ont rencontré le 13 novembre 2020 en visio.

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Je m’appelle Rodrigue Nomertin je travaille au service lingerie, nous sommes une équipe de 8 personnes, 7 agents et 1 responsable dont je suis le chef d’équipe. Notre métier consiste à dispatcher des tenues pour le personnel médecin, aide-soignant et le linge à usage unique pour les lits des enfants.

Pendant la période du Covid ça été une surcharge double pour nous.

Comment avez-vous eu l’envie de faire ce métier ?

J’étais déjà dans l’agence d’entretien, dans un autre hôpital pour les personnes âgées. Je n’habite pas très loin et j’ai voulu faire un rapprochement de domicile. J’ai demandé au premier service en tant qu’agent hospitalier pour me permettre de me rapprocher de mon domicile. Ça fait 20 ans que je suis au service lingerie et je m’y plais beaucoup. Ça me permet de faire le tour des services, de rencontrer du monde et même des enfants et c’est agréable.

«Ça fait 20 ans que je suis au service lingerie et je m'y plais beaucoup.

Ça me permet de faire le tour des services, de rencontrer du monde et même des enfants et c’est agréable».

Quel impact le covid a-t-il eu sur votre vie sociale ?

 

J’arrive à répondre aujourd’hui… c’est-à-dire que l’impact a été très dur.

Je faisais un COQ réanimation tous les matins qui me permettait d’aller chercher les tenues des infirmiers et des médecins.

 

Qu’est-ce que le COQ ?

 

Sortir de la lingerie, aller en service réanimation, récupérer les vêtements sales et les surblouses qui ont été utilisées pour les personnes Covid, les laver, les sécher et les mettre en plastique pour les protéger pour les personnes suivantes.

Il fallait faire ça tous les jours en plus du boulot qu’on avait à gérer pour le personnel et les enfants. On avait des grosses charges de travail en commençant à 6H du matin et en finissant vers 16,17h on était encore là. Et même les jours fériés.

Psychologiquement et moralement, en ce qui me concerne, ça a été très très difficile.

 

Comment avez-vous réagi suite à l’annonce du confinement ?

 

Très sincèrement, au début je me disais que c’était peut-être quelque chose qui allait se résoudre assez rapidement. Mais plus les mois passaient, plus le confinement devenait difficile pour nous car on était obligés de sortir de chez nous pour aller travailler. À un moment j’ai même pensé que j’allais lâcher prise, c’était…c’était dur, physiquement et moralement c’était très dur.

Pour le côté positif nous avons eu des dons pour l’hôpital. Au service lingerie une machine à laver nous a été donnée par une entreprise ce qui nous a permis de la consacrer uniquement aux vêtements Covid.

C’est des vêtements qu’on doit laver à 60°, il fallait qu’une personne ne s’occupe que de ça et vu le nombre de surblouses à laver par jour (environ 200) on a dû faire appel à des élèves aide-soignant en forme et on a même mis un ingénieur dans l’aéronautique qui est venu nous aider pendant deux mois.

C’est pour vous dire que c’était très dur cette période.

 

Comment s’est passé votre deuxième confinement comparé au premier ?

 

Quand on a subi les 3 mois qu’on a eu, on se dit qu’on est un peu plus prêt pour pouvoir affronter le deuxième confinement. Au niveau de l’hôpital on n’a pas eu encore de gros soucis au niveau des adultes. Le service réanimation doit commencer la semaine prochaine pour les adultes.

Il y a un petit peu d’expérience qui va nous permettre de l’affronter un peu mieux pour l’instant.

«Bien protégés c'est sur, on a toujours eu des masques, des gants (..) parce qu’on a quand même une vie en dehors de l’hôpital et on essaye de se protéger le mieux possible. »

Etiez vous en contact avec les malades ?

 

Non pas beaucoup car ce sont des services assez stricts, plutôt avec le personnel, on est là pour leur fournir le matériel pour travailler.

 

Ce n’est pas trop dur de travailler comme ça ?

 

Je ne vais pas vous cacher que les 2-3 premiers jours aller au service réanimation pendant le Covid et voir le personnel avec des petits visages très fatigués, sans le vouloir et sans se dire un mot, psychologiquement on se comprenait.

De voir vraiment les dégâts physiques que ça pouvait causer sur le personnel car c’était très très dur en entrant en réanimation de voir les gens presque à bout.

 

Est-ce que vous êtes bien protégé niveau hygiène ?

 

On avait pas le choix, bien protégés c’est sûr on a toujours eu des masques, des gants même pour aller ramasser le linge Covid au service réanimation ou d’autres services dans les étages ou il y a eu du personnel Covid adulte on a dû mettre des blouses, surblouses, des gants, des masques, parfois des charlottes, parce qu’on a quand même une vie en dehors de l’hôpital et on essaye de se protéger le mieux possible.

 

Et aujourd’hui ?

 

Pour l’instant ça va. On ne voit pas souvent les malades mais de toute façon, jusqu’à ce qu’il y ait une amélioration, un résultat, un vaccin, nous sommes obligés de nous protéger et d’appliquer les gestes barrières. Pour l’instant on continue à mettre les masques on est pas à l’abri.

 

Est-ce que vous sentez une amélioration entre la première et seconde vague ?

 

Pour l’instant je dirais oui car il n’y a pas autant de morts.

On le maîtrise un peu mieux mais vous savez nous on est un hôpital d’enfants quand vous entendez que vous êtes obligés d’ouvrir des services de réanimation adulte dans un hôpital d’enfants ça veut dire que c’est vraiment grave ce qui arrive actuellement.

Donc protégez vous et faites attention.

«Il faut se dire qu’en tout on a pratiquement 75 000 tenues dans l'hôpital pour tout le personnel.

Il faut pouvoir les trier et les distribuer et on a eu des surblouses en surcharge»

Est ce que vous vous faites souvent tester ?

 

On se fait tester quand on a des symptômes ou des doutes, je l’ai fait il y a 15 jours.

Mais on essaye de l’éviter le plus possible car c’est très désagréable à faire, mais tout est mis en place au niveau de l’hôpital pour avoir les résultats très vite, dans les 24 heures qui suivent.

 

Combien de temps travaillez-vous ?

 

Ça dépend, pendant le Covid c’était de 6h du matin jusqu’à 16h, c’est arrivé un jour férié au mois d’avril j’ai dû commencer à 6h du matin jusqu’à 17h rien qu’en faisant du lavage de surblouse pour les personnes en réanimation mais sinon en général pour la lingerie c’est 6h-15h sans travailler le week-end.

 

Est-ce que les choses ont changé dans votre travail depuis l’épidémie ?

 

On a plus de boulot, la surcharge est énorme même si on a des distributeurs de vêtements ce qui est très intéressant pour l’hygiène du personnel.

Mais on est obligés de les alimenter presque deux fois par jour au lieu d’une fois auparavant parce qu’ils changent très souvent leur tenue.

Même au niveau des usages uniques on a beaucoup de difficultés à fournir les autres services qui nous réclament des draps pour faire leurs lits car la charge de travail a doublé depuis l’épidémie.

C’est très fatigant.

 

Est-ce que le second confinement est autant compliqué que le premier ?

 

Je pense que ça a changé, on a un plus de boulot et pas souvent tout le personnel qu’il faut. C’est toute une organisation à mettre en place et la crainte qu’on a c’est de savoir si on va pouvoir assumer ce travail là pour pouvoir aider le reste du personnel parce que ce n’est pas évident.

«Nous avons eu un bénévole ingénieur en aéronautique à Gennevilliers,

il est venu de son plein gré, il a fait sa demande, il voulait aider»

Est-ce que les effectifs ont été réduits ?

 

Nous sommes une équipe de 7 personnes et 1 responsable c’est sûr que pour nous c’est assez difficile parce que les surblouses ça prend du temps à laver, sécher, plier et qu’il faut les remettre prêtes à être réutilisés au distributeur de vêtements et au tri qu’on a le matin.

Il faut se dire qu’en tout on a pratiquement 75.000 tenues dans l’hôpital pour tout le personnel il faut pouvoir les trier et les distribuer et qu’on a eu des surblouses en surcharge.

On a dû demander 2 élèves étudiants en renfort et une personne qui n’avait rien à voir dans le métier de la santé parce que c’était trop pour nous.

On avait pas tellement de jours de repos parce qu’il fallait que ça tourne et quand quelqu’un n’était pas là on devait assumer car la réanimation et d’autres services nous réclamaient des surblouses ou des vêtements pour le personnel pour pouvoir travailler donc on était obligés d’être présents.

 

Est ce qu’il y a eu du bénévolat ?

 

Au niveau matériel au service lingerie la seule chose que nous avons eu c’est le don de la machine à laver. Et en dehors des deux étudiants en renfort nous avons eu un bénévole ingénieur en aéronautique à Gennevilliers, il est venu de son plein gré, il a fait sa demande, il voulait aider et c’est la seule personne qui est venue aider pendant ses 2 mois, il était très sympa.

 

Un dernier mot ?

 

J’espère que vous vous protégez, que vous faites attention et que vous respectez les gestes barrières.

Et je vous souhaite bon courage pour la fin de vos études.

Propos recueillis par :

Jeanne Boisseau

Perle Delaporte

Dylan Peltro

Edith Prevost de Saint-Cyr